Témoignage sur le harcèlement

Publié le par Nouveau Souffle

Bonjour, je m’appelle Christiane, j’ai 58 ans et je suis licenciée pour faute grave.

Lors de mon dernier témoignage dans le journal de Nouveau Souffle, j’en avais 54, je venais de retrouver du travail –certes loin de Dijon, ce qui a nécessité un déménagement loin de ma famille et dans une ville que je ne connaissais pas-, mais après quatre années galères de chômage, j’étais bien heureuse d’avoir trouvé un emploi. On est déjà " vieux " vers 45 ans alors à 54, c’était inespéré que je retrouve.

Donc, depuis quatre ans, je faisais à nouveau partie de la vie active et non des marginaux ou des fainéants comme sont nommées beaucoup de personnes dans ce pays, surtout les chômeurs (s’ils ne retrouvent pas de boulot, c’est qu’ils n’en cherchent pas vraiment !!!).

Et voilà, quatre années après, je suis à nouveau sur le " carreau ". Licenciée pour faute grave, à prouver certes, mais pour faute grave quand même. Il y a beaucoup de reproches dans la lettre de licenciement mais pas de faute réelle et grave. Peut-être que tant d’arguments cachent-ils ce qu’il a lui, mon employeur, à se reprocher ?

Je suis quelque part soulagée de ne plus faire partie de cette entreprise, car depuis quatre années, je subissais un harcèlement moral au quotidien. J’étais devenue en quatre ans, une incapable, ne sachant rien faire (alors que j’ai 35 ans d’immobilier derrière moi, dont 15 années dans une agence dijonnaise). Donc si je n’avais pas su travailler, je ne pense pas que l’on m’ait gardée autant de temps.

Mon employeur –mon bourreau devrais-je dire- est une personne imbue de sa personne, possédant une fortune colossale et une agence immobilière pour le prestige. Un jouet en quelque sorte. Il aurait hérité d’une quincaillerie ou d’une boulangerie, c’était identique. Ce qu’il voulait, c’était avoir pignon sur rue et qu’on le voie bien. En quatre ans, je n’ai cessé de l’entendre se vanter, étant le seul à savoir travailler, devant corriger le travail de tout le monde : banquiers, confrères, notaires, etc…

Ce que je dois dire ici, c’est qu’en quatre années de présence dans cette agence, j’ai vu six personnes démissionner pour harcèlement moral.

Mon patron n’avait aucune considération pour qui que ce soit. Lui seul était le meilleur, installé dans sa bulle d’orgueil, dominant tout le monde. Tout ce qui l’entourait n’était que de la " crotte ". L’aspect humain n’a jamais fait partie de son schéma mental. Seuls le prestige et l’argent étaient ses moteurs.

J’ai donc porté plainte contre lui à la gendarmerie pour " harcèlement moral ". Il va devoir s’expliquer au pénal. Quatre de mes anciens collègues ayant démissionné pour les mêmes raisons, se sont portés volontaires pour témoigner à la gendarmerie. Les audiences ont commencé, deux sur quatre ont déjà été auditionnés.

Je bâtis, avec la CFTC, un dossier de prud’hommes avec moult attestations en ma faveur, -d’anciens collègues, de confrères et de clients- mentionnant que malgré la tension reconnue au sein de cette agence et le comportement odieux de mon employeur à mon égard, j’ai toujours été une bonne professionnelle, gaie et disponible.

Mon but aujourd’hui est de le faire renoncer à la faute grave et de lui " prendre " le plus d’argent possible. Je le fais pour moi, pour les précédents employés et aussi pour la personne qui me remplacera.

Il faut que son boulot de sape s’arrête.

Moi je pars épuisée, car j’ai beaucoup pris sur moi, n’en parlant qu’à ma famille occasionnellement. Souvent à la question " alors, ton boulot, ça va ? ", je répondais que " oui, comme d’habitude " sans vraiment entrer dans les détails.

Mon médecin, qui m’aide énormément dans ma démarche, a parmi ses patients, un directeur d’une grande surface, qui vient de se suicider à cause du harcèlement moral qu’il subissait depuis deux ans dans son groupe. De directeur il avait été déclassé régulièrement et avait fini sa vie professionnelle dans un placard, avec aucun moyen pour travailler. Il a mis fin à ses jours, ne voyant pas d’autre issue pour se sortir de son cauchemar.

Le harcèlement moral sur le lieu de travail n’est reconnu que depuis trois ans. Il a été reconnu à la suite de la publication du livre d’Anne-Marie Hirigoyen, psychiatre, sur le harcèlement moral au travail, la gravité du harcèlement moral et les effets destructeurs sur les employés le subissant.
Voilà, j’en suis là aujourd’hui.

Je peux paraître déplacée d’être soulagée d’être licenciée alors que d’autres, comme moi il y a quatre ans, s’évertuent à trouver du travail. Certes.

Mais aujourd’hui, je voudrais vous dire que travailler est essentiel pour vivre (ou survivre) mais pas à n’importe quel prix non plus.

Battez-vous, cherchez du travail, mais soyez vigilants. Ce n’est pas parce que nous avons quelques années de chômage derrière nous, que l’on est des incapables, devant postuler n’importe où et prendre ce qui reste à n’importe quel prix.

Nous sommes des êtres humains et non des esclaves.

Nous devons revendiquer le droit au respect. Ce ne sont tout de même pas l’orgueil et l’argent qui vont dominer dans notre pays. S’il n’y avait pas des gens comme moi qui se battent, nous deviendrons vite, tous, des moutons bêlants.

Moi, je dois m’armer de courage en ce moment, car les finances sont basses, mais j’ai confiance en la vie et je suis bien entourée. Je me suis sortie de problèmes beaucoup plus graves. Donc j’ai beaucoup d’espoir pour cette nouvelle épreuve. Et puis, j’ai la foi, Dieu ne m’a jamais abandonnée, pourquoi le ferait-il aujourd’hui ?

Que mon expérience vous serve et BON COURAGE A TOUS dans vos recherches.

Publié dans Nouveau Souffle

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